Ca y est, c’est l’automne. Saison aux couleurs vives et aux temps brumeux qui arrivent. Saison où la chaleur du soleil nous quitte un peu plus chaque jour. Mais pas de quoi se lamenter ! Les festivals qui s’annoncent sont là pour réchauffer les cœurs ! Et c’est avec un vif enthousiasme que nous avons parcouru les ruelles de Bordeaux à l’occasion de la 5ème édition du FIFIB le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux.
S’étant déroulé du jeudi 13 au mardi 18 octobre, ce festival est, vous l’aurez compris, dédié à la diffusion de films indépendants. C’est donc le cadre parfait pour découvrir le travail de jeunes artistes ou réalisateurs en plein essor, ou des réalisateurs aguerris aux films intimistes.
C’est ainsi que samedi, accompagné de notre rédacteur en chef Gaspard et de notre impitoyable acolyte Camille, nous commençons notre balade du festival.
La Jeune fille sans mains
Il faut savoir que les lieux de projections du FIFIB sont éparpillés dans tout le centre de Bordeaux. Nous avons donc commencé par l’avant-première du long-métrage : La Jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach projeté à l’Utopia, l’emblématique cinéma art & essai de Bordeaux.
Tristan : J’étais un peu triste que le réalisateur n’ait pas pu venir (déjà présent à un autre festival). Le film regorge de détails dont j’aurais aimé parler. Ce film est une merveille. Projeté au festival d’Annecy et ayant obtenu le prix du public, la beauté de l’esthétique et les partis-pris dans l’animation retranscrivent à merveille la beauté du conte des frères Grimm, dont ce long-métrage est inspiré.
Ce film m’a bouleversé, d’une part par l’esthétique et les techniques rappelant les plus belles œuvres de Frédéric Back et Michel Ocelot ainsi qu’une intense nostalgie me remémorant les sublimes films d’animation vus étant enfant. Ceux-là même qui savent raconter de belles histoires simples mais n’épargnant pas aux plus jeunes spectateurs la noirceur et la cruauté de certaines péripéties.
Gaspard : Une dessin sobre et efficace (qui n’a pas été sans me rappeler La Princess Kaguya devant lequel j’avais aussi pleuré), un beau travail sur le son, des animations intéressantes rendent ce film intéressant. Peut-être même trop pour plaire aux jeunes spectateurs ? Avec son parti pris de simplifier certains dessins et scènes d’animation on en finit par admirer le travail sans pour autant rentrer réellement dans l’histoire.
Camille : Et la bande son dans tout ça ? La beauté de l’animation est relevée par des touches sonores : chants d’oiseaux, rivière, vent dans les arbres… qui donnent au film une sensation de légèreté, du moins lorsqu’une situation dramatique ne vient pas rompre le calme. A cela s’ajoutent une multitude de couleurs, des pastelles aux plus vives, pour mieux apprécier le conte adapté.
Morale : On en reparlera sans doute à l’occasion de sa sortie, le 14 décembre de cette année.
Fear Itself
Après la projection du long-métrage d’animation, vos chers rédacteurs d’Underlined se sont séparés. De son côté, Tristan a continué d’assister à des projections dont celle du documentaire en compétition Fear Itself en présence du « très mignon » réalisateur Charlie Lyne, plus connu chez ses concitoyens britanniques pour être critique.
: Ce documentaire (Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma) est ce qui se rapproche le plus d’une expérience audiovisuelle. A travers les extraits de 82 films et un récit personnel cristallisant les peurs collectives, le film joue sur un effet de miroir pour nous faire explorer et réfléchir sur les méthodes employées et les thématiques abordées dans le cinéma d’épouvante.
Il s’agit là réellement d’un excellent documentaire qui traite tous les aspects du cinéma faisant appel à nos instincts primitifs comme la peur, l’angoisse ou nos doutes. Sur les 82 films qui retracent un siècle de cinéma, les extraits sont judicieusement sélectionnés et coupés au bon moment pour éviter de révéler l’intrigue des films. Il s’agit d’une expérience très intéressante et enrichissante pour les cinéphiles et très innovantes pour les amateurs désirant un aperçu de la complexité de ce genre. Attention cependant à avoir un bon niveau de compréhension de l’anglais. Il peut en effet être rapidement être ennuyeux de ne pouvoir se concentrer que sur les sous-titres.
Les courts-métrages du FIFIB
Après cela vos rédacteurs se sont regroupés à nouveau. Direction la Station Ausone un grand espace de conférence appartenant à la famille Mollat. Il faut dire que n’ayant prévu que 25 minutes d’avance pour assister à Personnal Shopper nous avons dû faire face à l’amertume d’une séance complète. Cette séance été composée de projections de courts-métrages en compétition, l’occasion de voir de nombreux univers très diversifiés.
Appels Téléphoniques
Film du jeune (et très beau) Francisco Rodriguez, le film commence sur la lecture du rapport d’autopsie d’une jambe retrouvée sur la Seine. Basé sur une histoire vraie dont le réalisateur a eut vent durant son installation à Paris, ce film est emprunt du documentaire et du polar. Introduit par le rapport du médecin-légiste, le film continue sur une succession de plans fixes tournés dans les banlieues calmes et austères de Paris. On suit l’inquiétude des proches de la victime à travers les messages téléphoniques qu’ils lui ont laissé, le réalisateur chilien a obtenu les réelles retranscriptions et les a fait réenregistré par des comédiens de doublage.
: Ce court-métrage a 2 forces. L’aspect tragique et la vision contemplative des images du court-métrage qui se lie à ces témoignes vocaux qui renforcent le sentiment d’impuissance du spectateur. Cependant on peut avoir un avis mitigé sur ce court-métrage.
D’une part la démarche de création est quelque peu morbide, mais peut susciter un intérêt certain pour toute la mise en scène exécutée qui renforce un profond sentiment de compassion pour les personnages (ou plutôt personnes), dont l’inquiétude monte progressivement. De la famille aux amis, en passant par un simple ami désirant la voir pour la pécho, les doubleurs retransmettent à merveille les états des personnages. Le film a beau être « spécial », il reste un court-métrage intéressant mais pas essentiel à voir.
Noyade interdite
: Une sirène lassée, dans un monde régi par des distributeur. Tout doit être payé par pièce pour une durée de temps limitée: le verrouillage des portes, la lumière et une multitude de petites choses incongrues dont on n’imagine pas devoir dépenser le moindre sous pour y accéder. Cette sirène est strip-teaseuse, elle est seule, est sa solitude se propage jusqu’au spectateur qui ne peut que la prendre en pitié. Elle a de l’humour pourtant, elle fait rire le spectateur. La solitude vole en éclat lorsqu’elle rencontre un plongeur de fontaine, qui récupère les pièces précieuses et gaspillées au fond de celle-ci. Comment croire qu’un bassin d’eau pourrait changer notre vie ? L’espoir vient plutôt de son nouvel ami plongeur. Le monde aride et sombre prend une tournure plus joyeuse, colorées, ou l’humour de la sirène trouve enfin un écho: le plongeur y répond et quitte lui aussi sa solitude. Un court-métrage humoristique et poétique, vous ne perdrez pas vos 17 minutes.
: pas spécialement d’accord. La strip-teaseuse n’est pas spécialement attachantes et surtout jeter une pièce dans une fontaine n’est pas la gaspiller. Quel prix pour l’espoir ? C’est bien la question que pose ce court-métrage. S’il coûte le même prix que l’ascenseur, tout est permis.
Peripheria
Court-métrage d’animation de David Coquard-Dassault. Un grand ensemble à l’abandon. Dans les allées, dans les halls, dans les cours, dans les couloirs, sur les toits, quelques chiens rôdent, fouillent. Ils survivent sur les ruines désertées de toute vie humaine. Un poème graphique, sans mots, bâti tout entier sur les restes délébiles de l’humanité. Comme à la veille d’une apocalypse. Une fin du monde, la fin d’un monde. Puis un sursaut animal, sauvage, qui ressuscite des miettes de vie.
: Étant un grand afficionados de l’animation, ce film était la principale raison de ma venue à la Station Ausone. Je n’ai pas été déçu ! Plongé dans ces cités abandonnées et suivre le parcours de ces chiens m’a fait penser aux récits post-apocalyptiques fleurissant ces dernières années, et aux conditions de survie des êtres peuplant ces récits. Le comportement d’errance des canins m’a instinctivement rappelé les attitudes que nous, hommes, pouvons adopter dans des conditions similaires, ce qui renforce le sentiment de compassion que nous pouvons ressentir vis-à-vis de ces créatures. A cela s’ajoute la direction graphique de qualité qui m’a évoqué les travaux fait sur Valse avec Bachir d’Ari Folman, renforçant la puissance visuelle cruelle des images. Ce film est une expérience très intrigante. C’est sans doute l’un des meilleurs court-métrages français que j’ai vu cette année (dommage que le réalisateur soit absent j’aurai beaucoup aimé l’entendre).
The Hunchback
« Dans un futur proche, les employés de la multinationale Historical Works sont contraints de suivre un séminaire ayant pour but d’améliorer leurs performances. Le principe : un jeu de rôle où chacun se glisse dans la peau de mendiants du Moyen-Âge afin d’éprouver la misère la plus totale. Film des réalisateurs Gabriel Abrantes et Ben Rivers, ils montrent les absurdités par des procédés inventifs en matière de scénario comique, un plongeon tête-la-première dans une folie si maîtrisée qu’elle en paraît plus folle encore. »
: C’était pour moi le meilleur court-métrage de la soirée (après Peripheria évidemment <3). Malgré la mise en place un peu longue, quelques moments ennuyeux ou ayant leur action coupée par des interviews, ce fut très drôle à suivre et surtout à voir. L’histoire et les personnages sont aussi divertissants qu’intéressants. Il y a un soin particulier porté à la mise en scène. La bonne incrustation CGI fait plaisir. Il y a même certains plans qui resteront iconiques. Il s’agit vraiment d’un court-métrage visible autant avec les potes qu’avec la famille (sauf pour vos petites têtes blondes y’a des scènes un peu hardcore pour eux). Vraiment une belle réussite, si vous aimez la série Black Mirror et le comique absurde des films de Q.Dupieux vous adorerez ceci.
: Je n’aurais qu’un mot, ou plutôt une image :
On retrouve dans ce court-métrage tout ce que j’aime voir : une réflexion sur la réalité, de l’absurde, de l’humour et un montage original. Certes comme le disait Tristan, les interviews peuvent ralentir l’action mais pour moi le jeu en vaut la chandelle.
Notre héritage
Fruit de la collaboration entre deux jeunes sortant de la Fémis, Jonathan Vinel et Caroline Poggi. Ce film nous montre comment Lucas, fils du fameux pornographe Pierre Woodman, est confronté aux images des films de son père et comment cela l’affecte dans sa relation amoureuse avec Anaïs.
: J’ai très mal vécu ce film, il m’a fait exprimer un mélange de gêne et d’ironie. On ne savait pas vraiment comment prendre les images dont on était témoin. Et ce que ce soit avecla modélisation 3D immonde d’animaux et leurs utilisations aléatoires, les incrustations fond vert assez hasardeuses et (surtout) le plan où l’on voit le jeune prendre en levrette sa copine au milieu de son jardin. Celle-ci était tellement ridicule qu’on en a rit. Malgré une démarche de création très intéressante notant celle des jeunes face à la pornographie, le film est le produit standard du film d’auteur français. Un peu trop sur-intellectuel et très gênant à voir si on en est pas fan.
: Personnellement j’ai ri juste pour évacuer la gêne. Pour moi le film développe une réflexion intéressante mais surtout invite le spectateur à la développer. Je n’irais pas jusqu’à dire que le film est « nécessaire » mais il nous rappelle que la pornographie n’est jamais anodine ou sans conséquence.
Les derniers parisiens
Notre dernier jour de FIFIB, pour fêter ça quoi de mieux qu’une avant-première pour finir en beauté. Film des rappeurs de « La Rumeur », Hamé et Ekoué, ces derniers mettent en scène les relations conflictuelles de deux frères au cœur de Pigalle.
:C’est réellement un film qui m’a laissé mélancolique. Il résulte de la vision de plusieurs générations vivant ou ayant vécu dans ce quartier très réputé de Paris. Comme disait le réalisateur Hamé : « On y voit la génération de l’ainé qui s’est vu plongée dans la poudre, puis la suivante plus cynique qui a cherchée à la vendre ». Ce film est fascinant pour la multitude de petites histoires qui font que Pigalle est, ou plutôt était, un des quartiers les plus illustres de Paris.
: séance agréable, première mondiale. Je n’ai peut-être jamais connu ce Pigalle et je ne le connaitrai donc jamais mais le côté profondément humain du film me donne quand même une impression de déjà-vu. Quelque part on aurait tort de se retrancher derrière l’idée que les rappeurs ont voulu décrire leur Paris. A travers l’histoire d’un quartier et de leurs proches c’est une large face de la condition humaine qui est en réalité dépeinte.
Bilan : on en reparlera sans doute à l’occasion de sa sortie le 8 février 2017.
Summer Wars
Marianne : Cette année, la partie “Premières fois” du FIFIB s’intéressait au rapport entre le terrorisme et internet. C’est à cette occasion que j’ai pu voir pour la première fois Summer Wars, le cinquième long-métrage de Mamoru Hosuda (Le Garçon et la Bête). Par un concours de circonstances, Kenji, un jeune lycéen passionné d’informatique, libère par erreur Love Machine. Cette intelligence artificielle va rapidement prendre le contrôle d’Oz. Cette gigantesque plateforme numérique rythme la vie des citoyens du monde entier. Kenji n’a que peu de temps pour réparer son erreur, car laisser Love Machine devenir le maître d’Oz aurait des conséquences catastrophiques dans le monde réel.
Si La traversée du temps (le précédent film de Mamoru Hosuda) s’adressait à un public plutôt adolescent, Summer Wars touche touche toutes les générations de par son thème universel : les liens familiaux. Ceux-ci se construisent et sont mis à l’épreuve tout au long du film. Si, à première vue, on semble avoir affaire à deux mondes opposés, avec d’un côté une famille japonaise traditionnelle et ses valeurs (persévérance, altruisme, …) et de l’autre le monde virtuel et futuriste d’Oz, ces deux univers sont pourtant profondément liés.
Voir Summer Wars au cinéma est un véritable plaisir. D’abord parce que le film est beau. En effet, Mamoru Hosuda a travaillé avec l’aide de Yôji Takeshige. Le directeur artistique travaillant d’habitude pour le Studio Ghibli a su opposer le monde réel et le monde virtuel d’Oz en exploitant graphismes colorés très différents. Cet effort est d’autant plus appréciable sur grand écran. Ensuite, parce que Summer Wars a une très belle bande originale. Rien ne vaut donc un cinéma pour profiter de cette qualité sonore.
Dans la forêt
: Le FIFIB nous a cette année proposé l’avant première mondiale du film de Gilles Marchand : Dans La Forêt. Un père de famille seule en Suède, loin de ses enfants et de son ex femme. Un enfant, le plus jeune, a un pressentiment. Le voyage en Suède va mal se passer. De la ville à la forêt, quelque chose suit le père et ses deux fils, partis dans une maison délabrée dans les bois les plus profonds.
Jérémie Elkaïm, le père, est glaçant. Tout, chez lui, passe par la violence, du moins c’est ce que dégage principalement ce personnage qui tente d’être aimant envers ses fils. Cet aspect est d’autant plus frappant que le film se déroule dans les calmes et beaux paysages de Suède. Cependant personnage et décor ne semblent pas si opposés tant le père est lugubre et froid.
Le film est qualifié de thriller. Cette dénomination est correcte, mais à mon sens pas complète. On peut sans doute rajouter « horreur psychologique », tant on sort tendu et inquiet de la salle. Un petit aspect fantastique règne aussi, tant on frôle la limite entre le rêve et la réalité. L’imaginaire devient semblable au réel. Le début ne laisse d’ailleurs pas présager un tel monde. Un film à voir !
: intéressant de voir que le film est tout public quand Notre Héritage est interdit aux moins de 16 ans. 2 semaines plus tard, je suis (bien) plus marqué par ces scènes où l’ont sent les psychoses d’un enfant se développer que par les gros plans sur des organes sexuels déshumanisés devenus anodins.
Depuis on a fait un article un peu plus complet disponible ici.
Bilan de ce FIFIB
: C’était une première pour moi et j’avoue avoir été très agréablement surpris. Je m’attendais à un Festival fermé sur lui-même, réservé aux gens du milieu et je me suis aperçu qu’il était bien plus accessible (sauf pour Personnal Shopper…) que prévu.