« Faut-il avoir peur de la
? » cette question m’est soudainement apparue à la vue d’un clip.Celui-ci, nous montre un jeune DJ ayant décidé de se prêter au jeu d’une expérience singulière : mixer pour une foule virtuelle.
L’avatar
Peut-être vous souvenez vous de ces « mondes persistants » à mi-chemin entre le jeu vidéo et le réseau social comme Second Life ou Habbo Hotel, et bien, ici c’est à peu près pareil sauf que le DJ « devient » cet avatar, s’incarnant dans ce monde modélisé informatiquement. Ce qui m’étonne le plus avec ce clip c’est qu’il soit sponsorisé par Ubisoft. M’imaginer dans un futur proche ne vivre ma vie qu’au travers de scénarios préconçus par mon ordinateur n’a, pour moi, rien d’idéal. Je préférerais mixer dans une salle « réellement » vide que pour un algorithme me générant des humains dansants.
Se pose donc la question « pourquoi Ubisoft promeut-il cela ? » Ce qui m’effraie le plus serait d’avoir à faire, à moyen terme, tel Néo dans Matrix, un choix entre pilule bleue et pilule rouge : vivre une vie confortable dans un univers qui n’a plus rien de matériel ou me heurter à un quotidien parfois douloureux mais réel.
Mais ne serait-ce pas déjà être en retard sur son temps que de faire une distinction entre réel et informatique ? Que de se raccrocher à sa misérable valeur qu’est le « réel » ? Peut-être que dans quelques générations, celle-ci sera d’ailleurs complètement vide de sens.
Cependant les avantages à vivre dans un monde virtuel sont nombreux. Je n’ai, par exemple, jamais été très à l’aise avec mon corps, non pas à cause de défauts physiques mais plus à cause de son côté humain justement. J’ai du mal à considérer mon esprit corrompu dans un corps sain. Ainsi je pense souvent à devenir ce que je suis de mon point de vue, i.e. un amas de pensées immatériel plus qu’un organisme. Quand je vois ce qu’offre la réalité augmentée je me dis que cette perception de moi est à portée de main.
The Machine to be Another propose de nombreuses expériences pour « échanger de corps », la vidéo ci dessus propose à des personnes de changer de sexe, le temps d’une expérience. Si l’on vous offrait le choix de quitter votre réalité pour intégrer une nouvelle au travers d’un avatar customisable à volonté tel un sim, que feriez-vous ?
De l’amitié au plus si affinité
Peut-être pensez-vous que je délire complètement avec ma S-F mais il ne faut pas oublier que les avancées technologiques vont vite et sont souvent imprévisibles. Il y a 10 ans je n’aurais jamais pu imaginer qu’une telle technologie se serait concrétisée. Tout comme la technologie, la morale est changeante. Actuellement, on parle de rencontre « dans la vraie vie » lorsque 2 personnes choisissent de se voir autrement que via un écran d’ordinateur, comme si ces 2 personnes n’étaient que virtuelles avant de se rencontrer matériellement. La frontière d’une réalité à l’autre est très mince. Maintenant repensez à cet exemple mais en vous rappelant des progrès de l’intelligence artificielle. Voir se matérialiser un ordinateur lui donnera-t-il une dimension réelle ? Votre ami de l’autre côté de l’ordinateur vous paraitra-t-il toujours appartenir à la fausse vie ?
Si vous ne l’avez pas vu, je vous conseille d’ailleurs, l’excellent film Her. Ici la question est la même : qu’est-ce qui différencie l’humain de l’intelligence artificielle ?
Certains n’hésitent d’ailleurs pas à aller plus loin, comme Bandai, avec Summer Lesson. Ce jeu s’inscrit dans le genre assez peu connu en France mais massivement diffusé au Japon qu’est le dating simulator. Le but est — grâce à une suite de dialogues et d’actions — de draguer le plus d' »anime girl » possible. Ici, il s’agira simplement de donner un cours particulier à une jeune blonde en vacances. La drague n’ira pas plus loin qu’un chuchotement au creux de l’oreille mais — d’après les testeurs — cela est largement suffisant pour se sentir très mal à l’aise et être perturbé par cette réalité. Il est intéressant de noter que ce malaise est généré par le franchissement de la bienséance et non par le côté irréel de la fille. En effet la fille n’est que modélisée, le mouvement des cheveux n’est pas naturel, elle est encore loin de faire vraie.
Les ressentis de la réalité virtuelle seraient-ils donc plus importants que ceux de la Réalité ? Pas très sûr, pour avoir testé un casque je pense que c’est juste l’effet de surprise qui décuple nos sens mais cela reste à confirmer. Avec les progrès dans le domaine de 3D, notamment dans le domaine de l’hyperréalisme il n’est peut-être qu’une question de temps avant que de réels corps humains soient complètement synthétisés informatiquement. Cela ne vous surprendra d’ailleurs nullement si je vous apprends que l’industrie pornographique est très intéressée par cette technologie.
Cela soupèse d’ailleurs des questions d’éthiques. Est-ce que « coucher » avec une fille virtuelle ? c’est tromper par exemple.
Pour penser risque de la réalité virtuelle il ne faut donc pas penser à aujourd’hui où elle est à son stade embryonnaire mais dans 10, 20, 30 ans où les mœurs auront évolué. Je vous recommande d’ailleurs la série de comics Transmetropolitan. Celle-ci traite d’un New York dans un futur proche ; imaginant les progrès techniques et les changements de valeurs dont ils sont causes et conséquences, les bandes dessinées donne un point de vue original et dystopique.

Finalement, plus que craindre ou non la réalité virtuelle, puisque l’on n’arrête pas le progrès, peut-être serait-il un gain de temps de savoir si l’on doit réguler l’utilisation de celle-ci. Qui sait si un jour, « La réalité des uns s’arrête ou commence celle des autres » ne sera pas une citation incontournable pour définir le monde dans lequel nous vivons.