« Je ne suis pas d’accord avec toi mais je ferais tout pour que tu puisses le dire » c’est avec cette (fausse) citation de Voltaire mise en commentaire d’une vidéo de Caljbeut Cartoon Trash que j’ai compris la dangerosité du propos du dessinateur. Sans m’opposer à cette logique bien-pensante post-Charlie qui veut qu’une personne puisse exprimer son opinion si nauséabonde soit-elle, j’aimerais m’attarder sur le fait qu’on ne devrait ni soutenir ni encourager ce genre de propos.
La hiérarchie de l’art
J’ai découvert Caljbeut avec cette vidéo. » En effet, Caljbeut nous explique gentiment que l’art n’est composé que de 6 familles. Cette classification remonterait d’après lui à l’Antiquité. Outre le fait que je n’en ai trouvé aucune trace (Wikipédia en dénombre à l’époque 9), celle-ci n’est, vous vous en doutez, absolument plus d’actualité. On pourrait alors croire que ce révélateur de vérité est juste un « vieux con » mais même pas puisque pour lui, un « illusionniste » est un artiste. Soit. Mais là où je ne suis pas d’accord, et c’est là la faille, c’est que réalisateur et photographe sont indiscutablement des artistes (oui parce que pour Caljbeut c’est pas le cas). Ce dernier justifie sa prise de position par le fait qu’un photographe se contente d’appuyer sur un bouton. Je serais tenté de reprendre la définition du vidéaste de l’art pour lui montrer qu’il peut inclure la photographie dedans mais celle-ci est… limitée :
Le pire reste à venir, en plus de juger — à tort — que la photographie c’est juste « appuyer sur un putain de bouton » Caljbeut décide de véhiculer un message de violence à l’égard des photographes.

Alors là on peut dire que j’exagère mais ce qui me fait peur c’est pas le fait que tous les propos de Caljbeut soient incohérents (pourquoi la BD serait un art ? T’as qu’à appuyer sur ton putain de crayon après tout ?) mais c’est d’abord qu’ils soient haineux et surtout que le public le rejoigne (la vidéo a finalement assez peu de pouces rouges). Chaque année j’ai l’impression que le FN dévalorise un peu plus le métier d’artiste (que ce soit Marion Maréchal-Le Pen ou la mairie de Fréjus) et quand notre génie du dessin traite les tableaux cubistes de « croute », il légitime précisément les propos tenus par l’extrême droite.
De l’inculture
Caljbeut pourrait en fait être résumer en une citation d’un rappeur poète que j’affectionne particulièrement :
Le monde s’est renversé, ils en font un met comme les sœurs TatinLucio Bukowski
Car oui autant de haine à l’égard d’un artiste ne peut venir que de la frustration de ne pas comprendre ses tableaux. Lorsqu’il se moque du sapin de la place Vendôme, le prodige de la critique artistique devient l’incarnation du « même un enfant peut le faire »

Là est tout le problème de Caljbeut : son jugement de l’art seulement sur le rendu final et la technique. Mais on touche le fond lorsque ce brave défendeur des masses nous déclare :
Inutile de s’attarder sur la confusion faite entre esthétisme et esthétique (on n’est plus à ça près) mais surtout : quoi ? comment ? L’art n’a jamais été objectif, c’est d’ailleurs justement ce qui, pour certain, le définie. Mais pour justifier son ramassis d’idioties il n’hésite pas à déclarer le plus sereinement du monde que Michel-Ange fait toujours l’unanimité. Ce qui est merveilleux avec Caljbeut c’est sa façon de parler au nom de tous avec simplement sa propre expérience…
Pour comprendre la haine de Caljbeut il faut en fait s’intéresser à son histoire. Durant sa vie, celui-ci n’a visiblement jamais fait l’effort d’écouter un critique d’art puisque notre artiste surdoué explique qu’ils ne servent uniquement à dire ce qui peut se vendre ou non. Ainsi sans explication sur certaines œuvres comment aurait-il pu les comprendre ? C’est aussi dommage pour son propos car s’il avait pris un peu la peine de se pencher sur la question du rôle du critique d’art, il aurait su que les critiques ont eux-aussi le pouvoir d’être tout à fait condescendant quand une œuvre n’appartient pas à leur culture. Nombreux sont ceux, en leur temps, à avoir critiqué Marcel Duchamp ou le Salon d’Automne et donc à sans doute avoir été du même avis que lui.
Egalement, notre artiste incompris est frustré de ne pas pouvoir exposer ses œuvres (voir ci-dessous)

Non non vous ne rêvez pas, Caljbeut peint vraiment des photos, vous savez les trucs où « il suffit d’appuyer sur un putain de bouton ». Qui est le plus technicien entre le photographe qui va chercher un angle, une lumière, un regard dans les artistes ou Caljbeut qui va simplement peindre par dessus ? Vous connaissez la réponse. Mais le drâme de sa vie est que, même après avoir passé plusieurs heures sur ses toiles, les galeries ne veulent pas de lui… Heureusement que l’épisode s’arrête là.
Malheureusement la catabase n’est pas terminée et vient le temps des remerciements et des explications sur ses vidéos en particulier sur celle sur l’homophobie.
Caljbeut et l’homophobie admissible
Car oui Caljbeut entend bien « dénoncer l’homophobie » avec cette vidéo :
Je vous ai fait un petit florilège de ce qu’on peut entendre « les pédés sont des erreurs de la nature », « communauté homosexuelle », « pédales », « couple de tarlouzes », « les tantes », « les fiottes », « l’homosexualité est une sexualité minoritaire qui doit le rester », « lopètes », « tapettes ». Donc oui, quand notre Emile Zola du XXIème siècle se remet en question, il fait bien. Sa liberté de paroles représente tout ce qui me déplait chez les extrémistes : cette tendance à croire que parce que la liberté d’expression est donnée on doit se permettre d’employer des termes blessants. Tous les termes employés plus haut sont vexants et le prétexte de « j’ai rien contre les homos » ne suffit pas à justifier leur emploi. Au passage, il n’existe pas plus de communauté homosexuelle qu’il en existe une hétérosexuelle 😉 .
Venant de quelqu’un qui dit qu’il ne doit y avoir aucune discrimination (positive ou négative) avec les homosexuels je trouve ça quelque peu surprenant. Comme pour la vidéo précédente le constat est le même Caljbeut est à nouveau accueilli en messie dans ses propos. Et pourtant c’est là qu’est tout le malaise, cette sorte d’homophobie admissible (« traiter un homo de pédale c’est pas grave tant que je suis pas homophobe ») contribue à la banaliser !
Conclusion
Il aura donc suffit de 2 vidéos pour voir les dangers d’une ignorance (de l’art contemporain, de ce qui est blessant, etc.) qui mène à la haine. Pour moi la solution ne serait pas de censurer bêtement ses vidéos mais simplement de lui faire suivre le chemin de la rédemption et que ce guide de la haine devient le berger de ses brebis égarées dans l’incompréhension.
Ecr. l’inf.
Edit : réponse de Caljbeut
Caljbeut a souhaité répondre à l’article, cliquez-ici pour son commentaire sur sa vidéo sur les artistes et ici pour celle sur l’homophobie. (Descendez la page pour lire le thread avec un encadré « COMMENTAIRE ASSOCIÉ »).
Captures d’écran pour ceux chez qui ça ne fonctionne pas : les artistes et l’homophobie.
Second édit : « le second degré »
Suite à la hausse des visites sur cet article (dû à l’excellent l’article de Café Gaming) qui a entrainé quelques commentaires se plaignant que je ne comprenne rien à Caljbeut, je tiens à préciser quelques points :
- Si je n’y comprends rien, c’est bien que son message n’est pas clair et mes critiques fondées.
- Non je ne vois pas ce second degré et pour une bonne raison il n’y en a aucun explicite.
- En effet, vous êtes incapables de me dire à quel moment Caljbeut est à prendre au second ou au premier degré.
- (Lui non plus d’ailleurs…)
- Tant mieux si vous arrivez à avoir un esprit critique et à savoir distinguer le bon du mauvais mais, premièrement, ce n’est pas le cas de tout le monde, deuxièmement, en brouillant la frontière entre 1er et 2nd degré comme en mélangeant faits concrets et analyses personnelles hasardeuses, Caljbeut réussi à convaincre le spectateur le moins averti de sa doctrine tout en pouvant se réfugier derrière l’argument « second degré ».
- Pour la énième fois le site « tongay » n’est pas représentatif de la « communauté LGBT » l’échantillon est bien trop réduit (13 personnes donnent leur avis). Croyez-vous réellement que tous les homosexuels et trans sont sur ce site ? D’ailleurs, Poisson Fécond avait déjà utilisé l’expression « erreur de la nature » dans une de ses vidéos sur les LGBT. Son public étant plus grand, il s’est fait rappeler à l’ordre (alors que sa vidéo n’avait rien d’agressif) et a dû la remonter.
- Bizarrement, les « trolls » de Koreus étaient plus nombreux et avaient donc plus de chance d’être représentatifs mais ont été arbitrairement discrédités par Caljbeut.
- Oui, je m’offusque d’un rien mais la haine de l’art et des minorités est suffisamment répandue pour se faire banaliser
Comme eux, lâche un coms ;-p