Ce qui est bien à Angoulême c’est qu’à côté des dessinateurs professionnels (Davy Mourier, Pénélope Bagieu, etc.) on peut faire la rencontre de groupes d’artistes moins médiatisés mais non moins talentueux. Si vous ne connaissez pas Glory Owl, ils sont 5 (Mandrill Johnson, Gad, Bathroom Quest, Mëgaboy et Jean-Jacques Charogne) se définissent comme un collectif de bandes dessinées absurdes, trash et débiles. Un humour corrosif qui méritait bien quelques questions à deux de leurs membres.
Underlined : D’où vous ai venue l’idée du concept de Glory Owl ?
Bathroom Quest : L’idée originale vient de Mandrill qui avait déjà un blog où il avait fait un peu de strip et lui ce qu’il voulait faire en lançant Glory Owl, c’était reprendre une formule à la The Perry Bible Fellowship, qui est un blog d’un américain où chaque strip est différent dans le traitement graphique et il voulait avoir un truc comme ça un. Et finalement on a fait notre truc.
Vous avez eu d’autres influences ?
BQ : Il y a Perry Bible donc et Johnny Ryan qui est un américain, je te conseille si t’as envie de te poiler.
Megaböy : Zep ! Le guide du zizi sexuel.
BQ : Je le relis toujours entièrement avant de dessiner un strip… après je bois un café je fume une clope et boum, c’est parti.
MB : Moi Enki Bilal, normal.
Est-ce que vous avez des limites ?
BQ : Nos limites sont principalement graphiques : on fait pas de sexe en gros plan, en érection, enfin des trucs comme ça. On essaie d’éviter parce que c’est un peu gratuit. Après, c’est plutôt « comment parler »…
MB : …pas essayer de rire bêtement d’un truc genre du handicap et essayer de pas se moquer de l’handicapé mais plutôt rire autour. Ça dépend du traitement, la limite elle est pas dans le sujet, elle est plutôt dans le traitement. Après il y a des choses que l’ont fait clairement pas : le strip sur l’actualité. On préférait que ça soit encore lisible plus tard. Les limites ça serait plus tout ce qui nous intéresse, la politique par exemple, on a pas envie d’en parler dans Glory Owl.
BQ : Si, il y en a quelques uns mais c’est jamais politisés : on va jamais taper sur la droite ou la gauche on va taper sur la figure du politicien.
Mais votre famille dans tout ça : elle sait ce que vous dessinez ?
BQ : oui bien sûr, ma mère achète tous les albums. La grand-mère de ma copine a acheté les albums. Finalement, nos dessins sont pas si choquants que ça
MB : J’en ai filé pas mal aux gens de ma famille et la plupart ils ont trouvé ça vraiment pas bien… Mais ils l’achètent quand même parce que c’est moi qui le fait.
A force d’être toujours dans le trash, ça vous manque pas la BD classique ?
BQ : On en fait un peu à côté !
MB : Moi j’ai fait les Blondes et j’ai fait les Pompiers mais je fais uniquement le dessin pour le coup.
BQ : Ça reste de la blague mais pas de très haut niveau quoi…
MB : J’ai aussi fait tous les mugs dans lesquels y a marqué « meilleur papa du monde », j’ai fait les typos.
BQ : On a des projets persos de bande dessinée un peu plus classiques…
Rien en groupe ?
BQ et MB en chœur : à 5 c’est compliqué.
MB : Après entre nous maintenant qu’on se connait je pense qu’on va faire des albums les uns avec les autres mais à 5 c’est compliqué. On déjà rarement d’accord sur les strips donc faire un album complet où tout le monde est d’accord, ça serait compliqué…
D’ailleurs comment se passe votre collaboration ? C’est chacun dans son coin ou l’on peut imagier que vous vous échangiez vos scripts ?
MB : Ça peut arriver que quelqu’un ait une idée et dise « est-ce que quelqu’un peut le faire ? Tu le feras mieux » ou que l’histoire corresponde plus à un autre et du coup… on fait ça.
BQ : L’organisation est en fait assez organique. On se présente nos idées, on échange dessus, si c’est drôle, on commence à dessiner, si ça l’est pas, c’est corrigé, on s’arrange entre nous. Le dessin, on modifie un peu s’il y a des corrections à faire et puis on le balance sur internet. Et notre truc c’est la démocratie : on est 5, si ça fait marrer 3 personnes on le fait sinon on le fait pas.

Du coup vous ne pouvez pas être plus de 5 dans le collectif ? Pas de nouveau membre possible donc…
BQ : C’est une question qu’on se pose. Déjà si on se retrouve 3 contre 3 ça va être compliqué.
MB : C’est vrai que là même à 5 on est assez pour produire ce dont on a besoin et on est déjà beaucoup. Là c’est déjà compliqué, on parlait des scripts mais si on a une idée de T-Shirt, faut que tout le monde soit d’accord… On en avait déjà parlé, on hésitait un peu…
BQ : Ouais, moi ça me plairait qu’on ait une autre personne qui ferait un autre genre d’humour…
MB : Mandrill et Gad étaient pareil, pas très chauds et moi aussi j’avoue
BQ : Mais peut-être qu’un jour ça s’imposera…
MB : On y pense pas trop en fait.
Vous vous faites des réunions ?
BQ : Gad, Mandrill et moi comme on est potes on se voit assez souvent et on a un groupe de conversation Facebook.
MB : Après moi quand je viens sur Paris on se voit aussi mais on va plus boire des bières que parler de ça et c’est vrai que parfois ils m’esquivent, je vois clairement qu’ils sont tous en train de s’amuser, moi je les appelle, savoir ce qu’ils font…
BQ : …et t’es en dehors du bar, tu ne regardes et il pleut, tu mets la main sur la vitre…
MB : …et y a une musique qui démarre. Non mais ouais on en parle très souvent sur internet mais des fois, ça nous arrive, pour des trucs en particulier comme la sortie du 2ème album, on se voit tous pour parler de ça…
BQ : …parce qu’il y a des discussions qu’on est incapables de tenir sur internet.
Où est-ce que vous trouvez l’inspiration ?
BQ : Je crois que c’est différent pour chacun d’entre nous. Je pense que c’est notre humour « de base », c’est les blagues que l’ont fait entre nous et finalement je vais pas dire que c’est une gymnastique du cerveau mais c’est une habitude à prendre. T’as un moment t’es dans le métro, sous ta douche, t’as rien d’autre à faire et puis… c’est comme ça que ça me vient : tu te fais chier tu penses à un truc marrant et après tu brodes
MB : Moi ça dépend, c’est très variable, ça peut être d’un coup une idée qui vient…
On voit que vous essayez de sortir vos strips de façon régulière, c’est pas trop compliqué justement ?
BQ : Au départ ça allait, il y avait même une période où on avait un strip par jour et maintenant comme on participe aussi à AAARG! et au Golden Moustache c’est de plus en plus compliqué d’être régulier et du coup parfois on se dit « ouais là faut que je fasse du strip ».
MB : Après, on en a souvent en stock : on a des idées et puis on se dit « ah faut en poster un, donc je dessine celui-là ».
BQ : On a pas tout le temps qu’on veut donc on dessine à l’avance… On a l’air complétement désabusés en disant ça « bon alors tu vois c’est hyper réglé… »
MB : Ça dépend un peu des périodes, parfois on n’a pas d’idée… Même là on a eu une période un peu creuse. Tous on avançait un peu doucement au niveau des strips donc ça dépend. Mais là ça va on commence à s’y remettre tranquillement mais on essaie d’être régulier. On aura plus de gens intéressés s’ils se disent « ah, tous les 2 jours j’aurai un strip ». Après on est pas payé, on le fait plus parce qu’il y a du monde qui nous suit, parce qu’on a envie de nous même de faire des strips.
Vous parlez rémunération, vous avez un métier, des études à côté ?
BQ : C’est top secret en fait mais je suis en reprise d’études en métiers du livres à Saint Cloud et ouais y en a qui travaillent : Mandrill il travaille, enfin il va travailler… Charogne travaille, il a une petite boutique de télécom.
MB : Gad et moi on fait principalement de la BD. J’ai beaucoup bossé dans des trucs de fast-food mais là j’ai d’autres projets…
BQ : …parce que mine de rien ça paie hyper bien le fast-food : tu travailles un an et tu peux te permettre d’être tranquille.
Vous avez commencé avec un blog puis une BD puis un mug, c’est quoi la prochaine étape ?
MB : On a 2 projets en réserve : un film de 3 heures avec des musiques orientées hip-hop-raggae-dancefloor qui sort en mars et un album qui serait la bande sonore du film. Voilà ça c’est les 2 trucs après la BD : sur internet c’est toujours en parallèle du reste. Ça nous permet de faire un tri sur les albums. Sur internet on se permet de poster plus de choses. Parfois sur des strips on est pas sûrs de nous mais on les poste quand même on s’en fiche c’est internet, c’est gratuit, on a rien à perdre. Sur l’album tous les strips qu’après coup on n’aime pas trop, on les met pas.
BQ : Après on aimerait développer le groupe et faire des expos, des trucs comme ça. Ça serait marrant.
Vous avez plus de détails sur le film ?
BQ : alors moi j’ai une scène de nu et ça serait Al Pacino qui ferait ma doublure bite… et ma doublure visage aussi… mais ce sera ma voix ! Je serai derrière lui.
Plus sérieusement ça vous plairait pas de faire des petits films d’animation ?
BQ : Non, y a Mandrill qui voudrait faire un peu de dessin animé et là il découvre avec douleur que c’est difficile de le faire tout seul. Surtout quand tu sais pas en faire. Après moi mon rêve ça serait plus de faire des clips… Ouais ça serait stylé. Parce que justement c’est pas très loin du strip, c’est contraignant, t’as 3 minutes, pas le droit aux paroles, tu dois expliquer quelque chose, c’est cool !
MB : Après en termes d’animation, ce qui nous intéresserait pas forcément ça serait d’adapter des strips en dessin animé. Mais faire des formats courts avec d’autres idées dedans. Enfin on a le 2ème album qu’est sorti assez récemment, on a chacun nos projets mais on peut clairement y arriver au bout d’un moment. Il faut juste qu’on fasse ça bien.
L’idée de faire un album elle vient de qui ?
BQ : C’est la maison d’édition Même Pas Mal qui a contacté Gad pour un projet qui s’est pas fait. Ils lui ont demandé s’il voulait quand même faire un projet et Gad leur a proposé Glory Owl, on en était même pas au 100ème strip. Mais il a déjà quelques albums derrière lui. Les éditeurs ont vu d’abord quelle tournure prenait le blog.
Vous avez chacun plus ou moins des pseudos, c’est pour faire stylé ? Protéger votre anonymat ?
BQ : Mandrill à la base c’était pour protéger son anonymat, toi (Mégaböy) c’est hyper long c’était un truc avec un pote il y a des années. Moi c’est un anagramme de mon nom et prénom, parce que mon vrai nom c’est Thomas Broquet et y en a déjà un qui fait de la BD, y en a qui fait de l’illustration, y en a qui s’occupe de conseils immobiliers donc « Bathroom Quest ». Après Gad c’est la contraction de son nom de famille et Charogne parce que son pseudo est beaucoup plus cool que son nom et prénom.
MB : …et ça le définit plutôt bien, le mec vient et tu sens qu’il attend qu’il y ait un truc qui soit mort pour le bouffer.
Un tome 3 de Glory Owl ça serait envisageable ?
BQ : Pour nous c’est une évidence. Mais le 2ème sort un an après le premier et le 3ème sortira pas l’année prochaine… On a sorti le 1er puis il a plutôt bien marché et on s’est dit que c’était important de faire un 2ème pour continuer sur notre lancée et là je pense que les gens nous connaissent un peu et sont capables d’attendre 1 an de plus pour un autre album.
MB : L’intérêt c’est qu’il faut tout le temps qu’on ait l’impression qu’il soit meilleur que celui d’avant. Là on est tous d’accord pour dire que le 2 est meilleur que le premier et ça serait dommage de faire un 3ème bâclé. Quitte à revenir avec un truc un peu différent, faut juste qu’on fasse ça bien.
Vous dites « tous d’accord [au sein de Glory Owl] » est-ce que vous prenez compte de l’avis du public de façon général ?
MB : Je dirais « non » mais… ça dépend…
BQ : Comme Méga te disait tout à l’heure, le strip sur internet ça nous permet de jauger ce qui nous fait marrer et pas les lecteurs. Après on y faisait un peu attention au début mais ça nous est passé, on reçoit tellement d’insultes…
MB : Même moi au début je trouvais ça cool, je lisais tous les commentaires mais maintenant je lis des fois mais pas vraiment. Après si on voit que ça fait rire personne et qu’on est pas trop sûr de nous, on met pas le strip dans l’album. Des fois on poste un strip parce qu’on l’avait sous la main depuis longtemps même si nous on savait qu’il était pas top.
BQ : On interagit que dans certains cas : soit il demande une information et on la lui donne, soit un strip a été vraiment très mal interprété et dans ce cas là on va expliquer notre point de vue sans pour autant l’imposer au lecteur. Mais c’est assez drôle parce que les commentaires sur le blog ressemblent plus à rien parce qu’un mec, JoTheBishop, a commencé à mettre des commentaires sur tous les strips y a un an et maintenant tout le monde signe et s’insulte avec son pseudo…
MB : …on sait plus qui est qui, ce qui est assez marrant parce qu’en réalité depuis le début c’est moi. Mais on fait croire que c’est quelqu’un d’autre.
BQ : C’est faux ça.
MB : On ne sait pas.
BQ : Mais ils ont développé des mêmes « trop politique », « on veut Dr. Pute », ils nous saoulent. On les lit même pas.
Enfin vous leur avez quand même fait une tasse Dr Pute.
BQ : Alors ça c’est assez particulier, on avait acheté des déguisements Naruto pour Angoulême et en fait ça nous a coûté un peu cher pour ce que c’est et on s’est dit « on va faire des mugs » ça va nous rembourser nos costumes Naruto.
MB : Sinon on l’aurait pas fait. C’était un peu cher avec les frais de port mais on les voulait vraiment.
Dernière question : qu’est-ce qu’on peut souhaiter à Glory Owl ?
MB : Plus d’argent.
BQ : On a une saleté de capitaliste. Franchement, y a 2 ans, on a fait le blog en pensant que ça pourrait faire marrer les gens mais on s’attendait pas à ce que ça fasse autant marrer les gens. L’album sort on se dit les gens qu’ont aimé sur le blog vont l’acheter et basta et en fait y a de nouveaux lecteurs. Donc si ça progresse comme ça c’est cool.
Toutes les photos sont extraites du blog de GloryOwl.
Comme eux, lâche un coms ;-p