On vous avait déjà parlé d’elle dans notre sélection d’auteures pour le FIBD d’Angoulême, Pénélope Bagieu, est à la fois dessinatrice, illustratrice et scénariste de BDs. Grâce à ses multiples talents elle est devenue une incontournable de sa génération. Ecrivant parfois ses propres histoires (l’excellent Cadavre Exquis), elle rayonne aussi dans l’adaptation de scénarios, de Boulet en passant par Sfar (on apprend toujours mieux bien accompagnée !). Lors de sa venue à Angoulême (au FIBD), nous avons pu lui poser quelques questions.

Underlined : Vous avez sorti en septembre dernier California Dreamin’ aux éditions Gallimard. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet ?
Pénélope Bagieu : Cela faisait longtemps que j’avais envie de raconter un destin un peu tordu d’une femme qui était prédestinée à une certaines existence, mais qui décida d’en choisir une autre. Je raconte donc le destin d’Ellen Cohen, une petite fille qui venait d’un milieu très modeste dans une ville un peu nulle, et qui souhaitait réaliser son rêve : devenir une star de la musique à New York. En tentant sa chance, elle arrivera à atteindre ce qu’elle croyait impossible, et deviendra jusqu’à la fin de sa vie Mama Cass.
Celle dont vous déroulez le destin sur ces 270 pages est assez méconnue du grand public. D’où vous est venue cette fascination pour Ellen Cohen ?
A vrai dire, je ne suis pas particulièrement fascinée par Ellen Cohen. En sortant cette BD, mes intentions n’étaient pas de faire une biographie. Dans cet ouvrage on trouve plus ce que je projette sur Mama Cass. A vrai dire elle était un prétexte pour raconter le triomphe de la détermination d’une femme, qui part avec tout contre elle. Mais bon, il faut surtout avouer que j’aime beaucoup sa voix !
Quand on vous écoute parler d’elle, on dirait que vous êtes une vraie fan !
Non en fait, je ne suis pas vraiment fan, j’ai surtout trouvé que ce personnage était extrêmement intrigant.
Ce qui marque à la lecture des premières pages de California Dreamin’, c’est l’utilisation du crayon à papier. L’histoire se déroule à une époque qu’on représente habituellement très colorée. C’est le moment de l’émergence hippie, du flower power, et des lampes à bulle. Pourquoi être partie sur cette atmosphère en noir et blanc ?
Et bien justement, l’histoire commence dans les années 40 et se termine dans les années 60. Il n’y a pas qu’une époque dans le livre. Dans cette BD il y a une narration qui s’étale sur beaucoup de temps, et en plus de ça j’ai choisi qu’à chaque chapitre le narrateur changeait. Il fallait trouver une unité qui liait l’ensemble, et le noir et blanc ça permet de créer ce lien graphique homogène entre deux époques assez différentes. Et puis j’aime aussi beaucoup le grain et l’imperfection de la mine de crayon.
Vous aimez les héroïnes au caractère fort, que ce soit votre alter ego Joséphine, les protagonistes de Stars of the stars, ou cette fois ci Ellen Cohen. Votre côté féministe ?
Je pense que quand on crée des personnages en tant qu’auteur on ne réfléchit pas beaucoup, c’est assez instinctif. On est simplement habitués que ce soit des auteurs hommes qui ne se posent pas la question, et font des personnages masculins. Du coup quand on lit des BDs dans lesquelles il y a une héroïne on trouve cela différent. Mais il est toujours plus simple pour un auteur de se projeter dans un personnage qui lui ressemble évidemment.
On vous a souvent collé l’étiquette de « la fille qui fait de la BD ». On trouve cela quand même triste que les mentalités aient si peu évolué ; et c’est non sans rappeler la polémique sur la sélection officielle…
Les chiffres des états généraux de la BD dévoilés jeudi dernier montraient qu’il y avait plutôt 30% de femmes dans le monde de la BD, contrairement au 12% qu’on annonce tout le temps. Petit à petit on est moins des animaux exotiques. J’ai l’espoir que dans 4-5 ans ce sera devenu normal, et disons dans 10 ans on en parlera même plus ! Je ne sais pas, mais j’espère… (rires)
Avant de vous laisser pour aller rencontrer vos lecteurs, vous pouvez peut-être nous parler d’un projet sur lequel vous travaillez actuellement ?
Oui j’ai commencé un blog avec le Monde qui s’appelle Les Culottées, qui fera l’objet d’un album chez Gallimard qui sortira avant l’été si j’ai fini, et qui raconte encore des destins de femmes très déterminés, qui ont changé quelque chose dans leur existence. Elles sont issues de différentes époques et de différentes cultures, et elles ont réussi à aller à l’encontre de ce qu’on avait décidé pour elles.
Conclusion
Après ces quelques mots, elle nous fait un petit dessin sur notre exemplaire de California Dreamin’ et elle nous fait un sourire avant de se diriger vers sa table à dessin. La file de dédicace est longue, on se doute qu’elle en a pour plusieurs heures, mais bon, c’est la rançon d’un succès bien mérité !
Ce qui est sur c’est que Pénélope Bagieu vit son « California Dreamin’ »