12h56
Le coca refroidit sagement dans le frigo, les crayons sont aiguisés, les feuilles blanches n’attendent qu’à être salies. Il est 12h56, nous sommes le samedi 26 mars et je vais commencer mes premières 23hBD.
L’événement m’a toujours fasciné, je me suis dit qu’un jour, j’y participerai aussi. Mais entre les cours, l’événement qui tombe en période de cours, etc… Difficile de se lancer à 200% dans l’aventure. « Oui de toute façon si tu t’y mets pas à fond, tu réussis jamais le défi » m’avait-t-on dit. J’ai longuement hésité, mais au dernier moment, j’ai décidé d’y participer. Pour expérimenter un nouveau type de récit : la BD marathon.
Inventé par le théoricien du 9ème Art, l’américain Scott McCloud (L’Art Invisible), l’événement s’est développé en France grâce à Lewis Trondheim. Pour cette édition, les participants doivent réaliser 24 planches de BD (23 plus une couverture) de 13h à 13h. Avant que votre esprit ne tique, les 23h de la BD ont la particularité de se dérouler pendant le weekend où nous passons à l’heure d’été. Qu’importe, le temps que je relise une énième fois le règlement et les contraintes techniques, le sujet est lâché !

13h00
C’est par la chaîne Youtube de Davy Mourier, le parrain de cette 9ème édition, que sont dévoilés le thème et la contrainte. Mon coeur bat à toute allure, l’excitation est à son comble !
Ça sera le Western et un des personnages doit porter une grosse horloge.
Ces quelques mots, qui pourraient paraître trop précis, seront les Piliers de mon récit. Mais c’est le trou. Je m’imaginais plein de scénarios avant l’épreuve dans ma tête, mais là je ne suis pas dans mon terrain de jeu favori. Je n’ai jamais dessiné de westerns, et le genre cinématographique m’intéresse assez peu. Je dessine quelques croquis, des personnages, des ambiances, pour que l’inspiration vienne.

Ah oui, et évidemment je me mets dans l’ambiance !
13h30
Mes parents m’appellent pour manger, la tentation est forte, mais les idées commencent à fuser dans ma tête. Il faut que je fasse une planche, et tant pis si le rôti refroidit !
Je déteste par dessus tout dessiner les chevaux, cela fait partie de ma black list (ajoutez-y les voitures, les escaliers en colimaçon et mon prof de mécanique). Peut-être pour exorciser ma peur, je dessine une première planche avec un cheval à chaque case. Très bien, c’est parti !
15h10
4 planches sont finies, j’ai fait quelques esquisses au crayon à papier pour chacune, avant de mettre l’encre. Je sais que je le regretterai par mon manque d’efficacité, mais bon, il faut que mon dessin soit un minimum propre. Dehors il fait beau, je commence à me dire que je devrais en profiter pour sortir. Presque 2h que je dessine, et je commence déjà à être abruti par mon labeur. A quoi bon participer ? Je me dis que si je dois m’arrêter c’est maintenant. Je commence à avoir une crampe à la main. Bon, le rôti se doit d’être ingurgité !
18h30
8 pages de faites, mon scanner commence à planter. J’avais pourtant fait tous les essais la veille, je m’étais chronométré, j’avais fait une série de statistiques, qui ont très vite trouvé le chemin de ma corbeille à papier. « 20 minutes sur le dessin, 10 minutes de scan, 20 minutes de couleurs. Logiquement à minuit j’ai fini ». Je fus crédule. Presque un quart du temps s’est écoulé, pour un quart des planches à faire. Moi qui pensais que je me coucherai assez tôt, je me dis que la nuit risque d’être bien longue !
23h00
Je viens de publier en ligne sur le site 7 planches, j’ai pris le risque de les faire toutes en couleur. Chaque case est bicolore, pour me faciliter la tâche, tout en imposant quelques ambiances.
Je me dis que même si je n’ai pas le temps, je posterai les dernières en noir et blanc. Je me fais aider par ma dulcinée, elle scanne les planches, me fournit en Coca et en biscuits. SURTOUT NE PAS S’ENDORMIR SUR LES PLANCHES !
2h30
Bon, il faut se rendre à l’évidence, il faut que j’aille dormir. Je fais n’importe quoi, mes dessins deviennent à la limite du compréhensible. Il faut dire que j’ai renoncé au crayonné dès la troisième page. Je viens de terminer 15 pages, faites à main levée sans préparer ma feuille, sans règles, sans crayon à papier.
Je m’écrase dans le lit et je tombe comme une pierre.
8h30
Gogogogogooo ! Pas une minute à perdre, à peine le temps pour les yeux de se décoller, que je retourne à la table à dessins. Il me reste 5 planches à dessiner, et plus d’une dizaine à coloriser. Il faut que je réussisse, me dis-je, j’ai fait le plus dur !
11h00
Il ne reste que deux heures, et on peut dire que je suis dans la mouise. Mon portable vibre sans arrêt, j’ai le droit à des messages de soutien très gentils, et à d’autres qui le sont un peu moins :
Euh tu sais que t’as mis que 7 pages en ligne ? Je suis peut-être nulle en dessin, mais là c’est pas mort ?
Dessiner, scanner, importer-rogner, nouveau calque en mode produit, pinceau, exporter, mettre en ligne. J’ai l’impression d’être Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes, un véritable petit robot du dessin. C’est là que je me dis que le travail d’animateur est absolument remarquable.
12h45
Plus que 4 pages à coloriser et j’aurai fini mes 23HBD. J’ai évité les flots de plantage de logiciel, les dangereuses mers de manque d’inspiration, j’ai vogué sur mon bateau armé de mes stylos pour dessiner ce foutu western. Cette fois ci j’y suis !!
12h59
Non sans fierté, à quelques secondes (sans rire) du compteur officiel du site, je valide la mise en ligne de ma 25ème page. Oui 25ème, du coup j’avais besoin de clore mon histoire.
Mes yeux sont rouges comme la braise, je me sens lessivé, fatigué, sale, abruti…Mais j’ai terminé les 23hBD !
Le lendemain (épilogue)
Après les retours des lecteurs, qui ont globalement assez bien aimé ma BD, que retenir ?
L’exercice est très difficile car il demande de savoir improviser, et dessiner d’une manière qui peut-être déconcertante. Le thème est finalement trop général pour poser problème, et la contrainte facilement imbriquée dans le récit.
Quand je relis ma BD, je vois de nombreux défauts dû au scénario que je n’ai pas écrit à l’avance case par case. Pour la prochaine fois, et si je ne pouvais donner qu’un seul conseil aux futurs marathoniens, c’est d’écrire à l’avance un storyboard sur l’avancée de votre histoire. Vous pourrez toujours y réfléchir en dessinant les premières pages, mais cela vous permettra surtout d’avoir une structure qui tient la route.
Et surtout, buvez du café, beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup…