Vendredi, le conseil d’administration du lycée a eu lieu. Ou peut-être jeudi, je ne sais pas. A vrai dire je ne sais pas parce que — comme toutes les décisions prises par mon lycée — personne n’est prévenu. Je passerai sur le fait qu’alors que j’aurais dû l’être, il a fallut qu’un parent d’élève me transfert le compte-rendu de la réunion alors que celui-ci devait être public (un peu comme ce règlement intérieur que lui on ne se prive pas pour afficher dans toutes les salles…) pour aller au cœur du problème : le manque de démocratie.

De la (non)démocratie en milieu scolaire à Kafka
En début d’année je me suis déplacé jusqu’à un bureau de vote pour l’accorder au seul binôme s’étant présenté pour occuper le siège de représentant d’élèves. Élu à la majorité absolue, celui-ci avait déclaré vouloir être proche des élèves… Bien sûr je n’ai depuis pas eu une seule occasion de parler à ma représentante (et j’ai oublié qui était son (ou sa) colistier(e)). Mais peut-être que cela est de ma faute, peut-être que j’aurais dû faire l’effort de dépasser ma timidité et d’aller lui raconter tout ce que je ne supporte pas dans mon lycée, mais à quoi bon ? D’ailleurs je n’avais qu’un sujet qui me tenait réellement à cœur (en plus du manque de représentativité) : le coin fumeur au milieu de la cour1.
Certains diront que je fais vieux con, mais mon but est avant tout la discussion : pourquoi doit-on appliquer certaines lois et pas d’autres ? par exemple… Cependant tout va bien ! En effet dans un élan de courage (ou d’égoïsme ?) ma déléguée aurait déclaré « qu’elle a des problèmes pulmonaires et qu’elle hésite à traverser cet espace fumeur pour se rendre au foyer. ». Mais alors, comment madame le proviseur va-t-elle réagir face à ce casse-tête juridique ? De la façon la plus incompréhensible qui soit en se disant (d’après le compte-rendu du CA) « non favorable à une communication en direction des parents sur ce sujet, car cette « zone fumeur » est juste une tolérance pour éviter des imbécilités et que cela ne pourra en aucun cas être considéré comme un droit à fumer accordé aux élèves. ». Ah. Cela reste pour moi complètement symptomatique du dialogue déséquilibré entre personnel chargé du lycée et lycéens : un problème est évoqué, une demi réponse y est apportée sans rien changer à la situation (bien sûr) et c’est la fin du débat : hors de question d’insister face à l’autorité.

Rapports déséquilibrés règle ou exception ?
Ainsi, comme tout bon « dialogue » (plus ou moins social), celui du lycée n’échappe pas à sa mise en scène qui fera dire au plus crédule qu’il n’est que quintessence de démocratie et laissera les plus critique n’y voir qu’une mascarade. Quelques représentants d’élèves, une poignée de parents, après tout, que demande le peuple ? D’être écouté sous prétexte qu’il a le droit à l’éducation ? A quoi bon écouter ceux qui ne sont pas sérieux, quand ils ont dix-sept ans…
Cet échec démocratique n’est pourtant pas le premier. On le retrouve aussi dans le rôle du délégué de classe promettant voyages et frites à la cantine mais dont la seule mission officielle sera de prendre parole pendant 1 minute 30 à chaque conseil de classe, d’y défendre un élève (ce qu’il ne fera pas, la parole ne lui étant pas donnée) et de noter les commentaires des professeurs.
Là où je veux en venir c’est que les années passent et le constat est toujours le même : je ne pourrai pas faire valoir mes idées ou ne serait-ce que donner mon avis. Vous me répondrez alors que c’est qu’une mauvaise passe : 3 ans à supporter ça (5 ou 6 si je vais en prépa) et puis on peut pas y changer grand chose. Quelque part je serais plutôt d’accord avec vous sur le premier point mais la question demeure : si je ne peux faire changer les choses qui peuvent paraître futiles, si une administration qui dit des choses sans aucun sens — ou du moins sans prendre le temps de lui en donner un2 — peut avoir plus d’importance que moi, quand est-ce que j’aurai mon mot à dire ?

Conditionné à la déception démocratique
Alors oui on s’étonnera encore aux prochaines élections du nombre de jeunes abstentionnistes qui ne réalisent pas à quel point leurs aïeuls ont souffert pour mettre en place le droit de vote. Mais comment demander à quelqu’un dont on a montré 7 années durant que son avis n’avait que bien peu d’importance s’il ne le faisait pas remonter à des représentants qui jugeront au mieux « que pas assez de monde ne le soutiennent » ou que « ce genre de sujet ne s’évoque pas au conseil de classe » le bienfondé d’une élection ?
Comment une Ecole censée diffuser les idéaux de la République peut-elle vouloir pour des raisons obscures refuser d’entendre l’avis des élèves qui la composent ?
De la même façon qu’on matraque qu’il n’y a pas de démocratie (ou plutôt pas d’idéaux démocratiques) sans Ecole, il serait temps que l’on accepte la démocratie dans l’Ecole. Je ne plaide pas forcément pour une démocratie directe dont les limites se feraient vite sentir (mais qui cependant serait intéressante à expérimenter) mais pour une plus grande représentativité et responsabilisation des élèves. Est-il vraiment logique qu’il y ait autant d’élèves pour représenter une classe qu’un lycée/collège ? Instaurer une réelle discussion sur les décisions prises pour le lycée/collège ne serait-elle pas bénéfique à tous ? Pourquoi ne pas rêver de réunions de petits groupes composés de fonctionnaires et d’élèves pour dialoguer autour des problèmes et essayer dans un climat apaisé et équitable de trouver des solutions ?
1: A vrai dire, le problème de la cigarette était surtout le seul qui m’est venu en tête par son impact concret et son apparition relativement récente. Je m’estime d’ailleurs heureux que mes problèmes dans ce lycée soient si légers. Cependant, à mon sens, celui-ci illustre plutôt bien le processus « démocratique » lycéen et les contradictions qu’apportent l’état d’urgence.
2: J’avouerais que la nuance entre « tolérance » et « droit » m’est encore floue…
Comme eux, lâche un coms ;-p