Rencontre : Diego Luna, entre blockbusters et films engagés

Le festival VivaMexico, qui s’est déroulé à Paris cette semaine, mettait à l’honneur le cinéma mexicain. Projections de films en avant-première, rencontres avec des réalisateurs et festivités autour de la culture mexicaine ont fait vibrer le cinéma LUMINOR. Pour ceux qui auraient raté l’édition parisienne, le festival reprendra la route d’octobre à décembre et fera escale un peu partout en France. Une sélection des films de cette édition 2016 y sera présentée. Qui sait, l’amoureux du 7ème art qui sommeille en vous adorera Mister Pig, le deuxième long métrage de Diego Luna, que nous avons rencontré.

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Mettre Diego Luna dans une case serait une grosse erreur. En effet l’acteur multiplie ses casquettes de comédien, réalisateur, scénariste, producteur et acteur. Cela fait tellement de pistes pour une interview qu’on ne sait même pas par quoi commencer ! Et ce ne sont pas les vingt minutes qui nous sont accordées qui pourraient suffire à rassasier notre envie de mieux connaitre el señor Luna. D’ailleurs quand on lui demande lequel de ces métiers il voudrait exercer toute sa vie, celui-ci hésite et nous répond finalement :

Si je devais choisir une seule activité ? Difficile à dire… La première réponse qui me vient à l’esprit est “être spectateur”. Je vais au cinéma pour voir des films, pour être émerveillé. Je suis spectateur des films qui me plaisent et je réalise les films que j’aimerais voir.
Cet éclat dans les yeux quand il nous parle de cinéma est communicatif. Pour comprendre comment le jeune cinéaste de 36 ans est-il devenu une star aujourd’hui, il faut se replonger 15 ans en arrière, au début de de sa carrière.

La rencontre d’Alfonso Cuarón

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© Alfonso Cuarón – Y tu mamá también

Sur les planches depuis l’âge de sept ans, Diego Luna multiplie les quelques projets étudiants. Il décroche des petits rôles à la fois sur le grand et le petit écran. En 2001, sa carrière décolle quand il interprète le meilleur ami du personnage incarné par Gael García Bernal (à droite sur la photo) du film Y Tu Mamá También. Sous la caméra d’Alfonso Cuarón, le film décrit un road trip sulfureux de deux amis à travers le Mexique. Le long métrage est nominé dans de nombreux festivals, et Diego Luna gagne le prix Marcello Mastroianni au festival de Venise 2001. Il se rappelle de sa collaboration avec Alfonso Cuarón.

Il est un véritable ami et nous nous suivons depuis déjà longtemps. C’est grâce à lui en partie que j’en suis ici aujourd’hui !

A propos de l’évolution du réalisateur des Fils de l’Homme, Harry Potter 3 et Gravity (excusez du peu !) il rajoute :

J’aime beaucoup l’évolution de son cinéma. Alfonso souhaite toujours innover de nouvelles choses, raconter de nouvelles histoires toujours plus incroyables. C’est un vrai créateur un vrai artiste ! J’aime autant ses premiers films que son dernier Gravity. Il y a dans sa façon de filmer une audace : il cherche toujours à repousser ses propres limites en offrant une vision neuve. 

Depuis, Diego Luna aime varier les projets très différents. Il enchaînera les tournages de Dirty Dancing 2 et de Terminal (réalisé par un certain Steven Spielberg).

Steven Spielberg et Diego Luna sur le tournage du Terminal (2004)

Tout semble réussir à l’acteur. Il enchaîne les collaborations avec Gus Van Sant (Harvey Milk), Harmony Korine (Mister Lonely), Neil Blomkamp (Elysium) et même Katy Perry !

Puis un passage à la réalisation

Mais qui arrêtera Diego Luna ? Avec sa bouille angélique, sa dégaine rebelle et son charme naturel, il transcende la pellicule à chacune de ses apparitions. Des acteurs mignons il y en a beaucoup, mais peu franchissent le pas de réaliser des films. Diego Luna passe derrière la caméra pour son premier long métrage Abel sorti en 2010.

Quand j’ai écrit Abel, je traversais une période qui me rapprochait de l’enfance. Je vieillissais, je suis moi-même devenu papa, et j’ai eu besoin de coucher sur du papier une histoire qui me permettait de retrouver cette enfance déjà si loin. J’ai perdu ma mère à l’âge de deux ans dans un accident de voiture et je pense qu’inconsciemment cela a eu un impact énorme sur ma création.
Dans cette histoire, Abel, un petit garçon de 9 ans intelligent et débrouillard doit apprendre à redécouvrir son père. Ce dernier, après avoir quitté le domicile familial, a en effet finalement décidé de revenir. A la fois scénariste, dialoguiste, réalisateur et producteur, Diego Luna signe une œuvre tendre et cruelle qui fait découvrir un jeune cinéaste de talents.

Dans toutes ses réalisations, Diego Luna ne tient aucun rôle. Lorsqu’il s’agit de diriger ses acteurs il répond :

Étant comédien, il est nettement plus facile pour moi de me mettre dans la peau d’un acteur, ou plus généralement d’un personnage. Dialoguer avec son acteur est essentiel pour la réussite d’un film. Il faut savoir choisir les bons mots, être patient, accepter toute suggestion. C’est un travail d’échange, qui dépend évidemment de chaque acteur.

Mister Pig, son deuxième long métrage

Son goût pour la création cinématographique l’entrainera à la réalisation de Mister Pig, présenté donc au festival VIVA MEXICO.

Dans Mister Pig, j’ai voulu parler de la vieillesse, et notamment de mes craintes la concernant.  J’ai voulu aller en quelque sorte à contre courant de mon premier film, qui lui traitait plutôt de l’enfance. Le film est aussi ancré dans une certaine réalité sociale.
Mister Pig, incarné par Danny-l’arme fatale-Glover, est un éleveur de cochons en Californie qui part sur les routes rejoindre le Mexique avec son dernier cochon. Il doit lui faire traverser clandestinement la frontière pour lui trouver une nouvelle maison.

Mister Pig, un film engagé ?

Je pense que les thèmes qui sont abordés dans ce film sont universels. Il ne s’agit pas que du Mexique où les problèmes avec la frontière américaine enlisent le pays dans une situation difficile. Il ne s’agit pas que d’un film politique, même si l’histoire peut paraître très ancrée dans la réalité. J’ai voulu faire avancer mon personnage en lui construisant une véritable personnalité. Le film m’a aussi permis de filmer ce road trip à travers une multitude de paysages mexicains. J’ai envie de montrer aux gens la beauté de mon pays.

Diego Luna un artiste engagé ?

On sent dans les paroles de Diego Luna un attachement fort à ses origines et une envie de partager la culture mexicaine. Cela n’est pas sans rappeler la boîte de production qu’il a créé avec son comparse Gael Garcia Bernal, visant à promouvoir les échanges culturels grâce au documentaire.

Il est toujours difficile pour moi de vendre mes films à l’étranger. Et ce n’est pas que le cas de la France. Faire des films au Mexique est un long combat. Mais heureusement certains festivals, comme celui où nous sommes aujourd’hui, permettent de proposer un cinéma nouveau. J’essaie, à travers mes diverses activités, de me battre pour diffuser la culture mexicaine, souvent méconnue ou écrasée par celle des États-Unis. Nous traversons une période de crise au Mexique, et la culture en souffre beaucoup…

Diego Luna un cinéaste engagé ? Sans doute, si l’on croit ses déclarations dans le journal El Pais et son appel anti-Trump.

Star Wars…

L’heure est venue d’achever l’entretien, on aurait aimé parler encore des heures avec Diego Luna, mais on nous signale que la rencontre est terminée. Il se dirige vers la sortie, et nous avons juste le temps de lui souhaiter bon courage pour la mastodonte promotion de Star Wars qui débutera dans quelques semaines. Ah oui ! Nous avons failli oublier de préciser qu’il tient l’un des rôles principal du premier spin off de la saga : Star Wars Rogue One.

Diego Luna dans le prochain Star Wars
Diego Luna dans le prochain Star Wars

Et oui, entre deux films engagés, Diego Luna a bien le droit à sa petite récréation. Après tout il le mérite. Qu’il s’amuse, c’est tout ce qu’on lui souhaite !

Merci à Julia Descamps pour la traduction français-espagnol, ainsi qu’à Guillaume Soubeyran pour l’aide à la préparation de l’interview.