Rain drop
drop top…
Le début d’un refrain qui me traîne dans la tête depuis des semaines. C’est celui du titanesque hit Bad & Boujee, du trio de rappeurs d’Atlanta, Migos. Son clip a amassé 182 millions de vues jusqu’ici et est rapidement devenu un hymne planétaire. Avec le légendaire Metro Boomin à la production et Lil Uzi Vert, un rappeur montant de Philadelphie, en featuring, le succès de la recette n’est pas surprenant. Encore moins étonnant, presque tous les producteurs Soundcloud ont tenté de récolter quelques plays en remixant le morceau. Évidemment, nombre de ces versions sont à jeter, mais quelques unes sont assez originales et plus que dignes d’intérêt :
(On retrouve parmi elles celle de Myth Syzer, producteur que je vous présentais plus en détail ici)
Avant que nous ne nous égarions trop, revenons à nos Migos. Quavo, Offset et Takeoff n’en sont évidemment pas à leur coup d’essai. Ce sont en effet ces trois énergumènes qui ont popularisé le dab (si, si : la preuve ici). Ils ont déjà par ailleurs marqué les esprits avec leur flow caractéristique en triolets au travers de leurs nombreuses mixtapes.
Culture
Après 8 ans d’activité, le moment tant attendu de l’album studio est donc arrivé pour le trio. Bad & Boujee a cependant eu un tel impact (qui plus est en tant que single) qu’il semblerait difficile de proposer un album qui soit de la même envergure sur toute sa longueur. Deux semaines avant la sortie de Culture le groupe dévoile pourtant le single suivant et son clip à s’en décrocher la mâchoire, qui totalise déjà 25 millions de vues :
Tirant visuellement son inspiration de The Revenant d’Inaritu, la vidéo rend grâce à un morceau dynamique, plus entraînant et plus soutenu que Bad & Boujee. Amplifiant ainsi l’intérêt et les attentes du public, Migos donnent une impression de maîtrise totale. Une fois l’album dans les oreilles on se rend compte qu’en effet, la maîtrise est le maître-mot.
Le vif du sujet
Metro Boomin, Zaytoven, Murda, OG Parker, la 808 Mafia… Autant de prestige insufflé dans des productions d’orfèvres laissant le champ libre au potentiel du trio. Ils proposent alors un éventail large, dans les limites du genre auquel ils appartiennent, de capacités. Culture est donc clairement un album de turn up music qui s’assume en tant que tel, mais qui se veut perfectionniste. On pourrait même aller jusqu’à qualifier le projet de précurseur vis-à-vis du changement qui s’opère actuellement dans le rap. Regroupant les acteurs majeurs de l’ancienne scène (2 Chainz, Gucci Mane) comme de la nouvelle (Travi$ Scott, Lil Uzi Vert) dans des morceaux qui leur ressemblent, Migos veulent rassembler pour conquérir. Cette volonté est même poussée jusqu’au point où DJ Khaled ouvre l’album avec ses mimiques habituelles. Le côté désuet et accessoire de cette présentation est amplement rattrapé par l’énergie inouïe dégagée dans le reste de l’introduction :
Les singles s’enchaînent ensuite, pour ravir l’auditeur renseigné et donner des repères aux curieux qui découvrent le trio. Aucun répit n’est laissé avec Get Right Witcha (un coup de coeur personnel) et Slippery, taillé à l’image de Gucci Mane qui y fait une apparition remarquable. Trois morceaux passent avant le featuring suivant, l’occasion pour Migos de dévoiler leur attirail plus en profondeur, avec plus ou moins de succès (What The Price se révèle un peu faible au milieu de Big On Big et de Brown Paper Bag). 2 Chainz, fidèle à lui-même, apporte de l’emphase à un Deadz plein de cuivres, avant un All Ass qui paraît presque anecdotique en comparaison.
Un autre grand moment de l’album est la piste la plus longue, Kelly Price, qui accueille parfaitement Travi$ Scott. Sombre, atmosphérique et imposante, rien ne barre la route à ces six minutes d’excellence trap où chaque rappeur trouve sa place. Culture s’achève sur une ouverture plus légère et candide, Out Yo Way, qui a même une légère teinte de mélancolie. En tant que tel c’est un choix plutôt inattendu et risqué, mais qui a du sens dans l’écoute complète du projet.
Verdict
Le succès de Migos est incontestable, mais Culture intervient surtout pour appuyer leur talent et leur versatilité. S’adaptant à tous les types de trap, à des instrus précises et diverses, ils cherchent l’alchimie avec d’autres surdoués et y trouvent leur compte.
La pochette et le titre sont très judicieusement choisis tant l’influence que Quavo, Offset et Takeoff auront sur la prochaine génération de rappeurs est évidente. On assiste à rien de plus qu’une transmission de flambeau, d’un trio s’alliant à leurs camarades et mentors pour créer de l’inspiration. Malgré la viabilité discutable des tendances dont ils sont à l’origine, ils savent s’adapter pour être des éclaireurs, encore et toujours en avance sur leurs confrères. C’est ainsi qu’ils risquent de durer longtemps, insufflant leur patte tant qu’ils le peuvent dans cette fameuse Culture, avec un grand C.
Note : 15/20.