2017 sera-t-elle l’année de l’agriculture ?

Essentielle et en crise permanente depuis une dizaine d’années, l’agriculture est l’une des grandes absentes de cette « campagne » présidentielle.

Pourquoi il est nécessaire d’agir pour l’agriculture

La France, comme la majorité des pays dans le monde a adopté dans les années 1950 un modèle agricole de type productiviste. Celui-ci consiste à maximiser les rendements en minimisant les coûts de production (grâce la mécanisation et à l’utilisation d’intrants chimiques).

Ce modèle a permis de nourrir une population mondiale ayant augmenté de 3 milliards de personnes entre 1960 et 2000. Cependant, on observe sur le long terme que le modèle productiviste est source de divers problèmes.

Les espèces végétales disparaissent (75% de la diversité des cultures a été perdue entre 1900 et 2000). Parallèlement, l’agriculture intensive pollue l’air avec les gaz à effet de serre s’échappant des élevages mais aussi les sols et les eaux à cause de l’utilisation d’intrants chimiques. La France, 3ème plus grand consommateur de pesticide mondial, n’échappe pas à la règle. Cela a aussi pour conséquence d’entraîner le développement de maladie chez le consommateur comme le producteur. Ce dernier est d’ailleurs confronté à de multiples crises. Leur nombre diminuant, la charge de travail augmente et les revenus baissent. En effet malgré la PAC, l’agriculteur reste de plus en plus dépendant des prix du marché sur lesquels il n’a qu’une influence minime.

Ainsi, nombreux sont les agriculteurs qui ne parviennent plus à s’en sortir. Près d’un agriculteur se suicide tous les deux jours. Cela fait des agriculteurs la classe professionnelle de loin la plus touchée par le suicide en France.

En parlant de suicide, image de propagande fournie par le site de campagne de F. Fillon

Quelles sont donc les mesures proposées par les politiques ?

Politiques générales

Marine Le Pen prône une politique agricole protectionniste et nationaliste. Elle prévoit ainsi une sortie de la PAC, la création d’une PAF (Politique Agricole Française) et de refuser d’appliquer les mesures prônées par les organisations internationales ou européennes (OMC, FAO, …). Le FN compte également limiter les importations aux seuls produits pour lesquels la France n’est pas autosuffisante et imposer la consommation locale dans les cantines (actuellement contraire au code des marchés publics et aux normes de l’UE).

François Fillon, lui, souhaite supprimer toutes les normes françaises ajoutées aux normes de la PAC. Il axe notamment son projet autour d’un « choc de compétitivité de 40Mds d’euros » pour les entreprises françaises, financé par une hausse de 2% de la TVA.  Il prévoit de consacrer 2,3 des 40 Mds à une baisse de charges pour l’agriculture et l’agroalimentaire.

Emmanuel Macron, seul candidat favorable au CETA (l’accord de libre échange entre le Canada et l’UE),  souhaite simplifier les normes nationales en matière agricole. Il souhaite encourager les circuits courts grâce à l’investissement, sans pour autant défavoriser les modèles intensifs actuels. Le but est de répondre aux besoins des consommateurs et du marché.

Jean-Luc Mélenchon programme une sortie des traités de libre-échange, une refondation de la PAC en l’axant sur l’autosuffisance alimentaire, la relocalisation et l’agriculture écologique. Il souhaite également encourager les circuits courts, la vente directe, la transformation sur place et le plafonnement des marges de la grande distribution. Cela permettrait de garantir une plus juste rémunération aux producteurs. Ceux-ci ne pourront d’ailleurs plus vendre à perte.

Benoît Hamon, adopte une optique assez similaire avec un plan d’investissement de 5 Mds€ pour soutenir les projets de « développement agro-écologique », les circuits courts et les coopératives. Il prévoit également de « verdir la PAC » en consacrant 400 millions du budget de celle-ci pour le « financement des agriculteurs prêts à adopter le modèle agro-écologique ».

Mesures sociales

Pour ce qui est des agriculteurs, Marine Le Pen souhaite augmenter leur retraites à 85% du SMIC. Point commun avec Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon, elle souhaite également inciter par le biais d’une aide financière l’implantation des jeunes agriculteurs.

Philippe Poutou, candidat du NPA souhaite instaurer un « revenu garanti » pour chaque actif agricole, indépendamment des aléas de la production et des marchés. Contre le surendettement, il annonce la réduction et même l’effacement des dettes ayant eu lieu alors que « les banquiers se sont bien gavés ».

Autre point commun mais lui à tous les candidats : l’engagement à protéger les agriculteurs lors des négociations des prix avec les exploitants. Ainsi, E. Macron, F. Fillon et J-L. Mélenchon proposent la création et la reconnaissance d’associations d’organisations de producteurs aux pouvoirs renforcés qui feraient contrepoids face aux grands groupes.

Emmanuel Macron estime lui qu’« il est urgent de renégocier les règles de concurrence, pour qu'[elle] ne soit pas faussée ». Il souhaite notamment réformer les régimes des indépendants.

Fillon espère réduire les « charges » et impôts des entreprises agricoles (comme pour toutes les autres entreprises). Sa mesure phare reste de « simplifier drastiquement le droit des entreprises agricoles pour laisser les agriculteurs choisir librement la forme juridique de leur entreprise ».

Détail d'un tweet d'Emmanuel Macron annonçant son plan d'investissement pour l'agriculture

Modes de production

En grande écologiste, Marine Le Pen n’a pas invité l’agriculture biologique à son programme. On retrouve néanmoins un communiqué du Front National datant de 2015 affirmant l’attachement du parti à l’agriculture bio française. Contrairement à F. Fillon qui souhaiterait relancer les recherches sur les OGM, Mme Le Pen appliquerait le principe de précaution en interdisant les OGM.

Pas de révolution en revanche pour E. Macron et F. Fillon en termes de modes de production. E. Macron souhaite créer un « système de paiement pour services environnementaux » visant à encourager l’exploitation respectueuse pour l’environnement avec des primes.

Pour Benoît Hamon le combat à mener est celui contre les pesticides dangereux et perturbateurs endocriniens, dans le cadre d’une transition écologique. Le but serait de favoriser les modèles biologiques ou agro-écologiques. Il entreprend également de « favoriser le développement de cultures maraîchères aux abords des villes ».

Philippe Poutou veut également aller dans le sens d’une transition écologique, en plafonnant et redéployant les aides publiques et les subventions qui ne doivent plus aller aux méga-projets mais aux initiatives de terrain. Il s’agit cette fois-ci de bannir définitivement les OGM, le brevetage du vivant et les projets « agro-capitalistes » de type ferme des mille vaches.

Jean-Luc Mélenchon, encore plus radical, dans son projet de transition écologique tient, lui, à développer une agriculture 100% biologique en 5 ans, proscrire progressivement les pesticides chimiques, instaurer une agriculture diversifiée et promouvoir les arbres fruitiers dans les espaces publics. Il souhaite également stopper les projets de fermes usines, au profit d’exploitations de tailles plus modérées en vue du respect des conditions de vie des animaux d’élevage. Dans son programme L’avenir en commun, le candidat va même jusqu’à proposer un plan de réduction de 50 % du gaspillage alimentaire sur trois ans et de recyclage de 100 % des emballages. Emballages qui afficheraient également plus de clarté sur le contenu des aliments et leur qualité. Mme Le Pen dans un état d’esprit assez proche propose d’indiquer l’origine des produits sur l’étiquette.