Moby Dick, c’est l’histoire du capitaine Achab poursuivant Moby Dick l’invincible et hargneux cachalot blanc qui lui a pris une jambe. Bon, l’histoire vous la connaissez et le bouquin est plutôt gros alors pourquoi (re)lire ce roman d’Herman Melville ?
Pour des raisons littéraires
Melville (comme Conrad) est un romancier qui fut marin et aventurier. C’est donc avec un style très fluide qu’il écrit en se permettant même de jouer avec son lecteur. En effet, taquin, il n’hésite pas à changer de formes d’écriture (récit romanesque, de taverne, conte, documentaire, …). On reste éveillé et on suit le narrateur Ismael dans sa découverte du monde des baleiniers nantukets.
C’est aussi l’occasion de savourer quelques scènes du livres, sortes de cookies trois chocos littéraires. Ainsi, la rencontre entre Quiequeg le cannibale et Ismael le prosaïque ou le vol de la baleine au nez des français.

Par fourberie
On obéit à Daniel Pennac (Les dix droits du lecteur) et on prend la liberté de lire en travers voire carrément de sauter certains chapitres et cela sans regret. En effet, plus de la moitié du livre est consacrée à une description du cachalot et des ouvrages portant sur le sujet. Ça a beau être très instructif comme Melville, lui-même reconnaît qu’il en sait peu à ce propos tant les connaissances cétologiques de l’époque étaient faibles. Si cela vous intéresse une encyclopédie moderne vous sera plus utile.

Comme sonnette d’alarme
Melville – il le proclame plusieurs fois – cherche à défendre l’honneur de la profession des baleiniers, déjà considérés comme des bouchers. Pourtant, son livre se lit désormais comme un avertissement funèbre. En effet, les baleinières partaient pour des saisons de chasse de trois à cinq ans pendant laquelle elles se livraient à un carnage. Les descriptions de chasse sont sanglantes et ne masquent pas que les méthodes primitives, douloureuses et longues utilisées pour tuer ces animaux qui apparaissent pourtant comme fascinants, presque surnaturels. En les tuant pour leur huile, l’homme cherche réellement à dompter la nature. Et si, maintenant, nous avons cessé d’utiliser de l’huile pour nous chauffer et nous éclairer, à cause de cette chasse, le cachalot est maintenant une espèce classée vulnérable par l’UICN.
Moby Dick est un miroir de la situation actuelle. Ce ne sont plus les baleines que l’on chasse mais les poissons et les arbres : déforestation et pêche massive. Mais n’oublions pas que Moby Dick est aussi le cachalot qui affronte les hommes et coule leur navire.
“ Faut-il que nous allions, continuant à chasser ce cachalot assassin, jusqu’à ce qu’il ait envoyé par le fond le dernier des hommes ? Faut-il que tous il nous traîne jusqu’au fond des abîmes ? … Oh ! c’est une impiété ! C’est un blasphème que de le chasser encore !”
Moby Dick, Melville, Pocket, 1981…
…ou en BD pour ceux qui aiment les beaux dessins en noir et blanc.