De nombreux titres plus tard, Hyacinthe sort enfin son premier album, Sarah. Le rappeur qui fait du « rap de blanc comme le drap des obsèques » se positionne exactement comme là où ses premiers morceaux l’avaient préfiguré. Entre mélancolie et mal-être, spleen et idéal, le personnage est devenu moins bad boy, parfois poète, perdu toujours.
L’album
Les titres s’enchainent dans un ensemble cohérent. A vrai dire, sans être monotone cet album semble simplement être une pierre de Sisyphe. Hyacinthe n’en finit pas d’aspirer à mieux pour « ne rien collectionner à part les échecs » (comme le dira Jok’air dans son featuring). Il y a là une belle illustration de cette sensation d’avancer perpétuellement pour en fait tourner en rond.
Les paroles
Étoiles, fleurs, père absent et mythologie grecque parsèment cet album. Le tout s’accorde bien mieux que l’on ne pouvait le craindre. Le registre et les thèmes restent néanmoins assez proches de ceux mélancotico-dramatico-romantique de Lord Esperanza. On retrouve d’ailleurs derrière le personnage comme un besoin d’utiliser le rap comme une thérapie (« J’fais des chansons pour m’sentir […] vivre »).
Bien moins sale que sur ses précédents projets, on assisterait à une rupture. Plus question de punchline bête et méchante (plus de « va dire à la F.I.A.C. d’ériger plutôt ma bite sur la place Vendôme »), Hyacinthe a préféré être sombre que trash. On en arrive même parfois à une sorte de poésie abstraite (« quelques larmes sur l’oriflamme et le cœur mène l’enquête »).
Les feats
Hyacinthe s’est à nouveau entouré sur ce projet. Côté voix, on retrouve un crew similaire à ses habitudes : Jok’air, Ammour et L.O.A.S. Quoi de plus normal quand on voit la proximité qu’entretiennent les artistes ? Ce que dit Jok’Air pourrait tout aussi bien être dit par Hyacinthe, L.O.A.S. a commencé le rap avec « Hyahya » dans le crew DFH&DGB (Des Faux Hipsters et Des Grosses Bites) et Ammour ne chante (sous ce pseudonyme du moins) que dans celui-ci.
Restent deux collaborations quelques peu inédites. Premièrement Laylow. Rencontré sans doute grâce à Jok’air (ou à leur label…). L’univers du toulousain a un peu de mal à s’accorder avec le virage lyrique de Hyacinthe. Ensuite, The Pirouettes. Le duo parisien aux airs de Teki Latex (quoiqu’encore plus vieilli) a du mal à s’imposer sur le titre. Deux ponts, deux refrains, sans grand intérêt sur le fond comme la forme.
Les instrumentales
D’autres featurings sont moins visibles mais tout aussi prestigieux. En effet, certaines prods ont été réalisées par de célèbres beatmakers. On retrouve ainsi King Doudou (Oh Lala et Dans ta rue de PNL), Nodey (Lino, Youssoupha) ou encore Ian Vandooren (proche du 667 crew, avec le notable Mode Avion).
A côté de ces grosses pointures, on en découvre d’autres quasi inconnues. Une des meilleures instrus est d’ailleurs celle de Melancholia. Celle-ci a été composée par LVMX, un beatmaker comptabilisant… 27 abonnés et 1 500 vues sur sa chaîne YouTube.
On aurait du mal à nommer une prod ratée. Cela est peut-être aussi dû au fait que Krampf en ait signé la moitié. Le jeune beatmaker (et DJ) suit en effet le crew DFH&DGB depuis le début et a su, comme à son habitude, trouver les prods qui collent à l’univers de Hyacinthe. On pourra cependant trouver quelque peu étrange cette idée de poser sur un air de gabbers.
Mais surtout, les prods permettent au rappeur de laisser un peu plus trainer les mots et, finalement, de chanter.
Sarah, verdict ?
Avec sa « musique belle et vulgaire« , Hyacinthe nous livre un premier album plus réfléchi et posé que ne pouvaient être ses autres projets. Rien de révolutionnaire mais un album que l’on écoute avec une certaine fascination. On espère par ailleurs que son spleen lui permettra de trouver une notoriété lui permettant d’accéder à de meilleurs featurings.
En attendant, on vous le recommande !
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