On peut aborder l’histoire du cinéma par ses effets-visuels, tant l’évolution des techniques reflète les mouvances d’un art qui a toujours su s’adapter à son époque. Aujourd’hui, les effets spéciaux ont la côte, le marché est en pleine expansion. On peut même parler d’un art à part entière, tant l’intérêt du grand public croît.
Il nous manquait en France notre Festival de Cannes des effets-spéciaux. On peut dire que depuis 4 ans, le Paris Images Digital Summit remplit ce rôle. Le festival croise les enjeux créatifs, techniques et économiques d’un secteur dynamique, proposant au grand public et aux professionnels l’occasion de célébrer le numérique sous toutes ses formes : effets-visuels, réalité virtuelle, le CGI (computer-generated Imagery) et la 3D.
La création numérique française en tête d’affiche
L’événement a commencé le mercredi 24 janvier, par la cérémonie de remise des Digital Creation GENIE Awards. Il s’agissait de récompenser les professionnels français de la création numérique, et notamment les jeunes talents. Ainsi le film The Endless, présenté par l’école montpelliéraine ArtFX, a remporté la compétition. Nous vous laissons le plaisir de découvrir les images de la bande-annonce, saisissantes de beauté malgré la jeunesse de son équipe. On a du mal à croire que seulement 25 étudiants ont travaillé sur le film, là où sur les productions Pixar, on compte les animateurs par centaines.
Ont également été récompensées les meilleures prestations visuelles de cette année. La société française d’effets-spéciaux BUF (fondée par Pierre Buffin) s’est une nouvelle fois imposée. Ils ont signé cette année Blade Runner 2049 réalisé par Denis Villeneuve, ainsi qu’American Gods de Bryan Fuller et Michael Green. Une façon de nous montrer que BUF rayonne autant au cinéma que dans les séries télés.
La présence exceptionnelle des plus grandes légendes des effets-spéciaux.
Le génie d’honneur 2018 est un prix remis chaque année à une personnalité française ou étrangère ayant contribué par sa créativité, son sens de l’innovation et sa vision à faire évoluer l’industrie du cinéma et de l’image animée. Pour cette quatrième édition, deux génies d’honneur ont été attribués.
Christian Guillon
Christian Guillon a été récompensé pour l’ensemble de sa riche filmographie. Il s’est occupé des effets-spéciaux de plus de 200 films et a collaboré avec les plus grands cinéastes. Notons Brian de Palma (Femme Fatale), Andrew Niccol (Lord of War), Jacques Perrin (depuis Microcosmos) ou Costa-Gavras.
Phil Tippett en masterclass
Enfin, le festival s’est terminé par la masterclass de Phil Tippett, la légende des effets-spéciaux. Récompensé de deux Oscars pour Star Wars et Jurassic Park, on doit au Grand Phil Tippett les créatures les plus connues de la culture populaire. Si vous allez dans un magasin de jouets, vous verrez forcément une de ses créations. La masterclass retraçait son immense carrière, en partant de ses débuts dans la technique d’animation stop motion.
Phil Tippet a été le créateur de la technique go motion, une innovation ayant permis de concevoir une créature mythique hyperréaliste pour le film nominé aux Oscars, Dragonslayer. Il a fondé en 1984 le Tippett Studio, une société dédiée en partie à l’utilisation du stop-motion, utilisée dans un bon nombre de films tel que Willow ou Robocop.
À la fin des années 90, le concepteur a délaissé les marionnettes pour participer activement à la transition vers l’ère numérique. Son studio s’est alors spécialisé dans les nouvelles technologies en matière d’effets-visuels. Phil Tippett a réussi à rendre vivantes des créatures dont nous avions aucunes références visuelles. Prenez Jurassic Park. Spielberg n’avait à l’époque aucune référence autre que des dessins ou des squelettes pour créer des dinosaures virtuellement. Personne n’a oublié non plus le troupeau d’araignées mortelles créées pour Starship Troopers, le film culte de Paul Verhoeven ; ou moins amenés à devenir cultes, les effets-spéciaux de Twilight.
Étaient projetées à la conférence des vidéos de Phil Tippett dans son atelier. Derrière la barbe hirsute et les marques du temps, on sentait dans les yeux du concepteur un pétillement enfantin à façonner la matière. Il était émouvant de voir le sexuagénaire en train de fabriquer des univers et des personnages dans son atelier débordant d’inventivité.
Tippett a raconté son quotidien. Le matin il est consultant en effets-visuels sur des grosses productions, et l’après-midi il réalise ses projets personnels. Il travaille actuellement sur les chapitres 3 et 4 de Mad God, un long-métrage en stop motion qu’il tourne depuis 30 ans. Une passion qui ne l’a jamais quittée !
La rencontre avec Joe Letteri
Le festival accueillait également Joe Letteri, sûrement le plus grand superviseur d’effets-spéciaux en activité. On lui doit la création de Gollum, le monde virtuel d’Avatar, les créatures de King Kong, ou les singes de La Planète des Singes. Il a travaillé avec Steven Spielberg, Paul Thomas Anderson, et Zack Snyder. Il est aujourd’hui le directeur de la société WETA Digital, fondée par Peter Jackson.

Joe Letteri est « monsieur CGI », qu’on appelle dès qu’il faut créer des mondes entiers (comme la planète Pandora). Il est le principal développeur de la performance capture, la technique de captation de mouvement d’acteurs, dans le but de créer des personnes virtuelles. Monsieur Letteri admet qu’aujourd’hui, nous pouvons tout créer par ordinateur pendant la post-production. Les vecteurs ont remplacé les bouts de ficelle, et nous assistons à ce qui a de plus excitant en matière de technologie.
Nous avons eu l’honneur de rencontrer Joe Letteri, et lui poser nos questions. (La vidéo est en court de préparation !)
Si vous êtes néophyte au monde des effets-spéciaux, allez d’ailleurs visiter l’exposition Effets-spéciaux, crevez l’écran ! La Cité des Sciences de la Villette les met à l’honneur jusqu’au 19 août 2018. Une expérience immersive et didactique que nous vous conseillons !