Webdesigner, auteur de bande dessinée, dessinateur, Kek est présent sur Internet depuis une quinzaine d’années. C’est en 2012 qu’il sortira son album autobiographique Les années collège aux Editions Coiffeurs pour dames. Les Editions Lapins ont eu la bonne idée de rééditer cette bande dessinée en 2018 : l’occasion de (re)lire les aventures du collégien !
Fun fact : la légende raconte que le jeu Flappy Bird ne serait qu’une pâle copie du jeu Piou Piou, créé par Kek.
Un récit autobiographique
L’autobiographie reste un grand classique de la littérature et a pris une place plus que conséquente en bande dessinée. Que ce soit pour évoquer un évènement historique, un traumatisme d’enfance ou des relations familiales, nombre d’auteurs·ices ont décidé de raconter leur vie en dessin. Ces œuvres sont souvent le lieu d’une introspection assez honnête, qui donne l’occasion au/à la bédéiste de se pencher sur une période difficile. Cette tendance du récit de « loser » est très bien expliquée par Jan Baetens :
Une bande dessinée autobiographique est jugée mauvaise si elle ne sert qu’à relayer le narcissisme de son créateur posé comme héros, et excellente quand elle raconte la vie d’un antihéros, d’un « loser » (notre culture postmoderne est aussi une culture de la victimisation, et nous sommes devenus allergiques à l’étoffe des héros d’antan et surtout de leur gloire) ; heureusement les autobiographies en bande dessinée relèvent presque sans exception de la deuxième catégorie, si bien que la valorisation de la tendance autobiographique s’effectue pour ainsi dire de manière automatique [1].
Et bien ici, Kek prend le contre-pied total de cette habitude. Cette bande dessinée n’est pas le récit d’un élève harcelé ou d’un garçon impopulaire qui se souvient avec amertume de ses années collège. Au contraire, Kek raconte ici combien il a aimé être un collégien. Il a été l’élève turbulent qui fait des blagues au fond de la classe. Les années collège s’éloigne donc des bandes dessinées du genre par le point de vue qu’il adopte.
L’ingratitude de l’adolescence
Les années collège transpire l’adolescence. On parle de son ingratitude, de ses émois, sa naïveté aussi. On retrouve aussi beaucoup de poncifs sur le sujet, certains que l’on peut même croiser dans des bandes dessinées très populaires comme Les profs. Comptez donc sur la présence du prof de sport fainéant, de la professeure d’arts plastiques au décolleté plongeant et même du nouveau qui n’a aucune autorité. A croire que tou·te·s les professeur·es de France proviennent du même moule (ou que les auteurs/ices ne peuvent pas s’empêcher d’en parler).
Le dessin est simple et coloré. Les personnages portent en eux une sorte de bonhommie naturelle, leur visage rond rappelle l’enfance. Le style correspond parfaitement au sujet et à l’ambiance d’un récit léger sur le collège.
Kek parle beaucoup des plaisanteries qu’il préparait avec ses amis, ce qui donne une touche indéniable d’humour et de légèreté à l’œuvre. Il est difficile pourtant de s’attacher au personnage car il a tout de l’archétype du « petit con », de l’adolescent qui parle mal à sa mère et qui humilie ses camarades. L’œuvre ne donne pas l’impression d’avoir été écrite pour se repentir mais est plutôt un constat assez honnête que l’adolescence n’est pas une période facile.
La nostalgie à l’honneur
Les années collège sent bon la nostalgie. Kek se base uniquement sur ses souvenirs pour raconter ses mésaventures collégiennes, contrairement à Riad Sattouf dans Retour au collège par exemple.
L’œuvre prend la forme d’une série d’histoires ayant chacune un thème précis (le spiritisme, les cours de sport, le vomi dans le bus). On compte généralement 9 cases par page (on parle de « gaufrier » en bande dessinée) ce qui donne une narration assez simple. Il n’y a pas de fil rouge et chaque histoire reste indépendante des autres.
Beaucoup reconnaissent l’humour « acide » de Kek. Et en effet, le collégien de l’époque mais aussi l’auteur actuel s’amusent avec le second degré. Certaines blagues sont douteuses mais ont le mérite de montrer que le collège a pu être une période cruelle.
Les années sont passées depuis sa première parution et les œuvres du même genre se sont multipliées. Il n’est donc pas étonnant d’avoir parfois l’impression de connaître ces anecdotes, également parce qu’elles appellent à des souvenirs que nous partageons tous/tes plus ou moins. Certains clichés pourraient être évités et rendraient la lecture plus surprenante.
Néanmoins, Les années collège remplit bien son rôle de témoin de la vie collégienne, reste une bande dessinée amusante et agréable à lire.
- Baetens, Jan. Bande dessinée et autobiographie: Problèmes, enjeux, exemples. Belphégor: Littérature Populaire et Culture Médiatique. 4.1 (2004). Web. ↑